Chez Station F, la vie est plus belle. Plus de 1 000 start-ups qui vibrionnent jour et nuit, quelque 3 500 résidents et, ô beauté, son Bolk. Bolk ? Le robot du « bien-manger » qui propose plus de 300 compositions culinaires, du chaud, du froid, du sucré, du salé, à toute heure bien évidemment. Ah la vie chez Station F, ça doit être magique. Tu passes ta vie à tapoter. Tu tapotes sur ton clavier d’ordinateur ; sur ton téléphone tu tapotes pour envoyer tes messages, puis tu passes voir Bolk sur lequel tu vas tapoter aussi pour choisir ta pitance. Encore un peu et tu tapoteras ton inerte salade bolkienne, oubliant qu’elle se mange.

À lire le communiqué de presse, on se croirait donc presque dans un roman à l’eau de rose où l’on s’attend à lire qu’un startuper tombe amoureux de Bolk

Chez Station F, tu tapotes, tu vapotes et tu capotes sur l’humain. Car d’humanité, il n’y en a plus beaucoup. Un seul mantra dans cet univers sans pitié : la rentabilité déshumanisée. Et, là, le Bolk, c’est un champion toute catégorie, le Hulk de la bouffe. Le communiqué de presse, reçu mardi 18 octobre, te vend le machin mieux qu’un restaurant gastronomique : « Les robots Bolk peuvent réaliser jusqu’à 60 repas par heure en totale autonomie, et créer jusqu’à 300 compositions différentes. Le robot occupe moins de 2 m2 au sol et ne nécessite qu’une prise électrique. » Non mais c’est le rêve incarné ! Qu’on se le dise, ce Bolk a tout pour lui. Nous avions déjà vu des robots serveurs ou des robots pizzaïolo, mais là, on passe un cap. À quand la dark kitchen by Bolk ? En attendant, le fondateur de Bolk, Nicolas Jeanne, n’en peut plus : « Entièrement dédié aux start-ups, promoteur de la diversité, profondément international, Station F est un lieu d’inventeurs, de conquérants, mais aussi d’insomniaques et d’affamés. Nous sommes faits pour nous entendre. » « Nous entendre »… Le « nous », ce sont donc nos startupers « insomniaques et affamés » et leur Bolk adoré qu’ils doivent caresser (et tapoter bien sûr) avec une humanité post-moderne qui laisserait pantois un amateur de science-fiction du siècle dernier. De son côté, la directrice de Station F estime avoir rendu service à la patrie reconnaissante : « Nous sommes très fiers d’accueillir Bolk à Station F. Nos résidents voulaient une option saine, rapide et accessible. Les premières semaines sont très prometteuses : c’est le début d’une belle aventure ! » Y a pas à dire, y a de l’amour dans le Bolk.

À lire le communiqué de presse, on se croirait donc presque dans un roman à l’eau de rose où l’on s’attend à lire qu’un startuper tombe amoureux de Bolk. Chacun peut ensuite se créer sa propre chute : les plus romantiques rêveront d’un long amour platonique avec un prétendant qui deviendra obèse à force de « se tapoter » le robot ; les plus pervers imagineront des choses que nous ne pouvons décemment écrire ici. Reste que, chez Station F, celles et ceux qui pensent le monde de demain se régalent d’une bouffe de robot, anonyme, insipide, déshumanisée. Bolk, beurk.

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Photographie | Bolk