Si les chefs sont des cumulards en tout genre, Thierry Marx en est assurément le prince. Que dis-je, un seigneur. Pas un jour où l’on n’apprend pas une nouvelle activité, une nouvelle école, une nouvelle table, une nouvelle émission, un nouveau truc quoi. Avant-hier, notre homme annonce qu’il brigue le poste de président de l’Umih – pas un petit job tout de même ! -, hier, le voilà en tête de gondole de tous les TGV de France pour nous proposer trois petits plats bien ficelés, dont deux végétariens. C’est à la mode parait-il. Demain ? Bouh, l’emploi du temps déborde de toutes parts avec l’ouverture de sa table-école parisienne et une palanquée de projets dont nous n’avons même pas idée. Vous avez raté Thierry Marx à MasterChef, ne vous inquiétez pas, vous l’écouterez sur France Info ; vous n’avez pas les moyens de vous rendre à sa table doublement étoilée, pas de souci, il y a Thierry Marx Bakery, il y a la brasserie de la Tour Eiffel, il y avait la « boite noire » Uber Eats ou il y a Teppan à l’aéroport de Roissy. À moins que ce dernier ait fermé, on ne sait plus trop. Il ne faudrait pas oublier le Marx commentateur aux Jeux Olympiques, le Marx chercheur avec son fidèle ami scientifique Raphaël Haumont, le Marx compétiteur quand il enfile son kimono, le Marx ambassadeur pour une célèbre marque de voiture. S’il était ambassadeur d’une marque de montre, le temps filerait plus vite encore ! Encore un peu et il va nous écrire en deux coups de cuillère à pot les bonnes recettes du « Capital » et proposer sa propre « Contribution à la critique de l’économie politique ». 

Thierry Marx se pose comme une figure antithétique d’un autre obsédé de la posture et du pouvoir : Alain Ducasse

Lui qui a pour modèle – un parmi d’autres – le chef Paul Bocuse, celui qui a fait sortir les chefs de leur cuisine – ne s’arrête donc jamais. Omniscient, riche du don d’ubiquité ou presque, il enfile tous les tabliers d’un coup sans avoir peur de les confondre, ou de les salir. Lui qui n’était pas loin de la troisième étoile, époque Cordeillan Bages, a déplacé son discours au fil des ans. De la haute gastronomie, il n’en garde que l’aura pour porter une parole engagée, donc politique, à tout bout de champ. Thierry Marx se pose comme une figure antithétique d’un autre obsédé de la posture et du pouvoir : Alain Ducasse. Ce dernier se rêve en chef de meute alors qu’il avance en solitaire ; le gamin de Ménilmontant, lui, à l’instar d’un Guillaume Gomez, avance seul mais draine une sympathie incontestable. La preuve : la SNCF a fait de lui le nourrisseur officiel du peuple voyageur qui va se farcir ses petits plats végétariens en regardant les vaches brouter par les fenêtres du TGV. Avec Marx, tout se fait à grande vitesse ! 

Reste à savoir si Thierry Marx fait… école. Ou, plus précisément, s’il s’impose comme un exemple ou un contre-exemple pour les nouvelles générations de cuisiniers. À l’heure de la sobriété, de la décroissance, de la fin de l’abondance, l’on sent bien que le mouvement est plutôt à la concentration, à la réduction en tout genre. Faire moins mais mieux, voilà le credo actuel. Mais Thierry Marx n’en a que faire. Car ce Monsieur plus, aux allures de Monsieur Propre, est un seigneur. Ne vous en déplaise.

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