Laurent Petit est un obsédé. De travail, de chiffres, de symboles, d’étoiles, de cuisine, mais aussi de vérité. Lui qui n’osait même pas sortir en salle pour saluer le client il y a quelques années encore a mis toute son énergie pour atteindre un objectif, touché en 2019 avec l’obtention de la troisième étoile. Ce bout du bout de la vie des chefs atteint, son objectif a naturellement muté vers une nouvelle obsession, tout aussi passionnante : celle de la transmission. Sans descendance, Laurent Petit s’est naturellement tourné vers les deux forces vives du restaurant que sont Franck Derouet et Thomas Lorival. Un choix raisonné pour Martine et lui, marqué du sceau de la confiance, de la continuité, de l’évidence. Nul doute qu’il se révèlera dans les prochains mois la meilleure des décisions. Tout porte à croire que les nouveaux tenanciers du Clos des Sens ont les épaules et la vision pour tenir la barre. 

Toujours tout de blanc vêtu, Laurent Petit a le charme de ces chefs jusqu’au-boutiste, qui carbure à la franchise, à la parole donnée, à la sincérité décoiffante. Il a l’élégance des anciens timides, la qualité d’écoute des pas-trop-sûrs-d’eux et les douces certitudes de ceux-qui-sont-allés-au-bout. Il ne cache ni ses doutes, ni ses failles. Un oiseau rare, assurément. Hors sérail, le chef de 59 ans ne se revendique d’aucune école, de nulle servitude. Malin, il a laissé trainer ses yeux et ses couverts un peu partout pour s’inspirer avec intelligence, sans copier bêtement les bonnes idées glanées à droite et à gauche. Au fil des années, il a marqué de son empreinte un territoire sans vouloir le réduire à sa seule personne : il a toujours été le premier à défendre la diversité des tables et à envoyer les mangeurs curieux – anonymes ou pas –  à la découverte de ses confrères. 

Dans un univers des chefs souvent très formaté, nul doute que la personnalité de Laurent Petit manquera dans les mois et années qui viennent. Sa philosophie du produit, du terroir, de l’âme humaine, elle, perdurera sans aucun doute. Et puis, de quoi demain sera fait pour le néo-retraité Laurent Petit ? Avec un obsédé comme lui, tout est encore et toujours possible. Le charme de l’obsession sans concession. 

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Photographie | Matthieu Cellard