Un procès, des exils fracassants et des condamnations n’ont pas tué le très contesté classement des vins de Saint-Émilion. La preuve avec l’accession au sommet de Château-Figeac, ravi et rouge de bonheur.
___
Les petites histoires n’ont que faire de la grande. Un procès par ci, des accusations par là, une annulation, des contestations et des doutes en pagaille, qu’importe, le classement se veut au-dessus de la mêlée. Affaibli et contesté, le classement décennal des vins de Saint-Emilion a sorti jeudi 8 septembre de son chai un nouveau « Premier Grand Cru classé A », Château-Figeac. Celui-ci a ainsi rejoint Château Pavie au sein de l’élite de ce classement, auquel les célèbres châteaux Ausone, Cheval Blanc et Angélus, classés « A » dans la précédente édition (2012), ont tourné le dos ces derniers mois, en raison notamment de controverses sur les critères de notation de vins et de divers problèmes judiciaires.
« Nous accueillons cette décision avec fierté et reconnaissance et nous allons continuer de donner du bonheur aux amateurs de grands vins », a réagi dans un communiqué Château-Figeac, propriété de 54 hectares dont 41 de vignes qui appartient à la famille Manoncourt depuis la fin du 19e siècle. Derrière les deux membres de sa catégorie élite, la nouvelle édition classe 12 châteaux comme « Premiers Grand Crus classés », maintenant en fait la totalité des propriétés classés « B » en 2012, sauf Figeac, promu, et La Gaffelière, qui a lui aussi décidé de ne plus participer. Le classement distingue également 71 propriétés comme « Grands Crus Classés », dont Corbin-Michotte, l’un des châteaux plaignants qui a contesté en justice l’édition 2012, ce qui avait abouti à la condamnation d’une grande figure du Bordelais, Hubert de Boüard (copropriétaire d’Angélus), pour prise illégale d’intérêt dans son organisation.
L’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), qui gère l’organisation du classement, va désormais soumettre aux ministères de tutelle sa liste de 85 propriétés. Cette évaluation, qui a lieu tous les dix ans, vise à encourager la production de millésimes faisant de Saint-Emilion l’un des vins les plus recherchés au monde, certaines bouteilles s’arrachant à des centaines d’euros l’unité. Elle constitue un véritable enjeu commercial et financier pour les propriétés. Autant dire qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. Trop peut-être, surtout quand derrière la subjectivité du vin, il y a des gains ‘objectifs’, sonnants et trébuchants. Mis en place en 1955, ce classement est particulièrement contesté depuis quelques années. En 2006, pour la première fois, il avait été annulé par la justice, saisie par huit propriétés déclassées. Selon ses contempteurs, le marketing compterait autant que le goût du vin. Mais ses défenseurs font valoir que la dégustation reste le critère principal d’appréciation et compte pour 50% dans la note finale d’évaluation. Et le reste ? La part des anges ou celle des démons… de l’argent ?
___
Pratique |