Pour sa troisième édition, l’événement Rhum Society a transformé, le temps des deux premiers week-ends du mois de mai, l’hôtel Monte Cristo Paris en salon de dégustation 100% dédié à l’eau de vie de canne. Soixante distilleries et embouteilleurs indépendants étaient présents, proposant 210 références à la dégustation. Retour d’expérience (forcément) partiel de la première session, entre nouveautés, exclusivités et valeurs sûres.

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Un mot, d’abord, du dispositif atypique qui caractérise le salon, situé dans un hôtel, dont chacune des 46 chambres accueille une maison de rhum. Ces conditions de dégustation, à l’origine imaginées pour répondre aux contraintes sanitaires liées au Covid, sont un véritable atout, tant le gain en termes de confort et de convivialité sont perceptibles. On ne peut que souhaiter qu’une telle pratique se développe pour d’autres spiritueux. En outre, une suite « vintage » permet de déguster des références rares pour une séquence d’une heure, scindée en deux, en petit comité.

Du côté des rhums agricoles, Depaz proposait trois références, dont, pour la première fois disponible en métropole, un rhum blanc titrant à 55°, à base de 80% de canne bleue et 20% de canne rouge. Un VSOP et un millésime 2002 agrémentaient cette nouveauté. Toujours en Martinique, JM proposait une dégustation à l’aveugle dans une chambre au décor savamment agencé. Sans dévoiler de secret, l’on peut annoncer que la nouvelle expression « Jardin Macouba » figurait parmi des colistiers d’âge plus avancé. Pour Saint-James, l’embouteilleur indépendant Velier présentait, au sein de la « suite vintage », de découvrir quatre bouteilles parmi les dix millésimes retenus pour le 25eme anniversaire de l’AOC Martinique. De l’insolite au déroutant, en passant par un classicisme parfaitement incarné, cette expérience permet de constater à quel point la notion de millésime (ici les années 1998, 2002, 2006 et 2015) a un sens pour le rhum agricole et propose des univers gustatifs d’une grande variété. En Guadeloupe, la petite distillerie Montebello sort depuis quelque temps de son sommeil avec un blanc (50°) de belle facture. Une fermentation plus lente que de coutume assure la réussite de ce rhum, accompagné de deux références de 6 et 10 ans, elles aussi agréables à boire.

Un détour par la Barbade nous permettait de prendre connaissance des nouveautés de Mount Gay et de la touche apportée par leur nouveau Master Blender : Trudiann Branker. Etaient présents les classiques Black Barrel et XO ainsi qu’une bouteille de l’emblématique « 1703 », avant la disparition définitive de cette référence du marché. En outre, les dégustateurs chanceux se sont vu proposer un verre de « Master blender Andean Oak Cask », rhum vieilli en fût de chêne colombien des Andes : singularité et élégance furent au rendez-vous. Pour l’anecdote, la marque vient d’accorder à la France le statut de marché privilégié en remplacement de l’Australie.

Chez les embouteilleurs indépendants se trouvaient, comme souvent, des flacons affichant un véritable parti pris, hors des sentiers battus. Ainsi, le bar de l’hôtel Monte Cristo affichait trois références exclusivement disponibles au sein de l’établissement, parmi lesquelles un surprenant Trinidad 19 de « La Compagnie des Indes », dont les saveurs alternent entre le chanvre et le cassis ! Également disponible : un Jamaïque 26 ans de la distillerie Clarendon en « pot still » Vendôme (65,6%) de chez Rum Runner. Le même embouteilleur, quant à lui, présentait deux élevés sous bois : l’un en fût de bourbon, l’autre de whisky, qui permettait de comparer à quel point un rhum identique à l’origine diffèrera selon la nature du fût de vieillissement choisi. Etait également disponible à la dégustation un blend de blancs jamaïcains dont il était impossible de deviner les 80° tant l’alcool semblait bien « fondu ». Chez « Les frères de la Côte », hormis un rhum des Canaries et un vieux Barbade « Foursquare » de 11 ans, se trouvait un « La Favorite Navigation cuvée n°2 » transporté en voilier. Cette spécificité, initiée par cet embouteilleur, achemine des fûts de rhum depuis la Martinique jusqu’en métropole, ce qui confère un goût unique au rhum ayant effectué le voyage. Si l’on ne peut pas, avec certitude, en expliquer les raisons, le mouvement incessant du liquide dans les barriques semble une piste de réflexion sérieuse. Enfin, Old Brothers présentait trois références propres, ainsi qu’une nouvelle marque sous le nom de « Worldesters ». Ce blend de rhums blancs issus de la Barbade, la Jamaïque et la Réunion, ambitionne de proposer un rhum de caractère, fruité et gourmand, à prix accessible pour le marché CHR dans le but avoué de concurrencer, à terme, les rhums de type sud-américain des grandes marques, jugés souvent sans grande personnalité. L’on retrouvait ensuite, dans la collection « bouteille noire » un Marie-Galante de la distillerie Bielle (4 ans) à haute buvabilité ! Vinrent ensuite un audacieux Savanna Grand Arôme, aux notes exubérantes de colle, d’olives noires etc…qui raviront les amateurs d’« esters » (et surprendront les autres…). Pour finir, un nouveau produit de « niche » dont on parle depuis peu : un grogue du Cap-Vert : cette sorte de rhum (qui pourrait en être l’ancêtre) se compose de jus de canne fermenté à ciel ouvert avec des levures indigènes qui transforment le sucre en alcool. Ici, le processus dure entre 7 et 14 jours. Le ferment est ensuite distillé en une passe en « pot still » 100% cuivre avec tête en bois. La conclusion idéale d’une visite à un salon qui est, d’ores et déjà, devenu un incontournable du genre.


Pratique
Le salon Rhum Society a lieu tous les ans à l’Hôtel Monte Cristo
Bar de l’hôtel : Le 1802
20-22 rue Pascal, Paris 5e arr.
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Photographie
©Thibaut Neuman