La dématérialisation du paiement arrive au restaurant. Pour le client, c’est un gain de temps appréciable, pour le restaurateur, c’est l’opportunité d’augmenter son chiffre d’affaires en faisant plus de tables. Explications.


Plus besoin de téléphone pour la réservation et bientôt plus besoin de carte bleue pour le paiement ? La restauration n’échappe pas à l’ubérisation. Des startups travaillent à la création de nouvelles méthodes de paiement, plus pratiques pour le restaurateur comme pour le consommateur. « On constate beaucoup de changements ces dernières années dans le secteur de la restauration, analyse Jérémie Prouteau, de Digital Foodlab, un cabinet de conseil spécialisé en FoodTech. Cela va de la réservation jusqu’à la prise de commande et le paiement ». Depuis plusieurs années, le site LaFourchette permet aux restaurateurs de proposer la réservation en ligne. Pour le paiement, les caisses enregistreuses classiques ont laissé la place aux tablettes connectées et les titres restaurant en papier seront bientôt amenés à disparaître. Le site Lunchr a ainsi investi le marché, en proposant aux entreprises de dématérialiser les carnets de titres de leurs employés. Associé à sa propre carte de paiement, le système permet de dépenser ses tickets au centime près. Finis, les huit euros sur lesquels on ne peut pas rendre la monnaie.


Pour que le système fonctionne et se développe, il est nécessaire que les restaurateurs prennent le temps d’expliquer à leurs clients ce qu’est l’application


Ce service fait aussi partie de ce que propose l’application Billee. Lancée en janvier 2018, elle permet aux clients de payer directement sur celle-ci avec des titres restaurants ou avec leur carte bleue pré-enregistrée. « L’une des caractéristiques techniques principales de Billee est le partage de la note, raconte Jan de Lobkowicz, co-fondateur. On peut choisir de payer seulement ce que l’on a pris, de tout diviser ou de ne partager qu’une partie ». Pour le client comme pour le restaurateur, c’est un gain de temps. Il soulage le premier et permet au second de gagner en rentabilité. « Avec ça, les encaissements ne durent plus vingt minutes, souligne-t-il. Le client reçoit la note sur son téléphone et n’a plus besoin de se déplacer au comptoir ». D’après lui, cela permet aux restaurateurs d’augmenter leur chiffre d’affaires sur chaque service en augmentant le volume de couverts servis. L’entreprise prend 3 % de commission sur les transactions. Le service est proposé dans une cinquantaine d’établissements aujourd’hui et se développe désormais au sein de grands groupes, comme l’hôtelier Accor. « Dans ceux-ci, précise Jan de Lobkowicz, notre application s’intègre dans le système du restaurateur ».

De nombreuses entreprises se lancent sur ce marché chaque année. « Il n’y a pas vraiment de frein au développement de ces outils, précise Jérémie Prouteau de Digital Foodlab. La seule difficulté réside dans le fait qu’il faut convaincre les restaurateurs un par un ». Charge à eux, ensuite, d’en parler à leur clientèle. Pour que le système fonctionne et se développe, il est nécessaire que les restaurateurs prennent le temps d’expliquer à leurs clients ce qu’est l’application et comment l’utiliser… Billee, par exemple, fournit des « supports de communication » aux partenaires, même si le co-fondateur reconnaît qu’une partie des restaurateurs finissent par oublier d’en parler à leurs clients ! « Cela demande un investissement en temps au démarrage, confirme Jérémie Prouteau. Certains restaurateurs vont préférer attendre que l’outil se soit imposé partout plutôt que d’être dans les premiers à tester ».

Jules Bernard a décidé d’aller plus loin avec Alavance, lancé il y a deux ans. Son application permet de payer son repas avant même d’avoir consommé. « C’est le même principe que les bornes Mc Donald’s, confie le jeune homme de 22 ans. Sauf que tous les restaurants autour de vous y sont reliés ». Sur la borne, le client sélectionne l’enseigne de son choix, pré-commande et pré-paie, tout en choisissant son heure d’arrivée. Pour l’instant, son outil se développe surtout au Moyen-Orient et aux Etats-Unis, dans des centres commerciaux ou des zones touristiques. « C’est un food court digital », compare Jules Bernard. On y trouve tout type de restaurant, du fast-food jusqu’au semi-gastronomique. Que se passe-t-il si le client veut finalement prendre une autre entrée ? « Il y a un lien pour modifier la commande, répond-t-il. Sinon, il est toujours possible de voir avec le restaurateur.. » Ce dernier ne paie rien pour le service, ce sont les sociétés foncières qui sont propriétaires du lieu où est posée la borne qui financent, avec les annonceurs. En France, plusieurs bornes sont actuellement en phase de test. Elles devraient être définitivement installées en novembre.

Un système identique, sans borne, mais grâce à une application, qui permettrait de payer son repas à l’avance : Jan de Lobkowicz s’y est intéressé au début. « Les professionnels de la restauration nous disent que ce ne serait pas bienvenu, explique-t-il. Le moment de la présentation du menu est important, c’est là qu’un lien se noue avec le client ». Cela n’effraie pas Jules Bernard. Le jeune entrepreneur, qui a créé sa première entreprise à 19 ans, travaille sur le développement d’une application de paiement façon Uber pour les restaurateurs. Il n’y aurait plus de paiement à la fin du repas, tout serait organisé en amont. Pour que le client, n’ait plus qu’à mettre les pieds sous la table.


LiensDigital Food Lab / Lunchr / Billee / Alavance


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