Étudiant en agronomie à l’AgroParisTech, Lucas Delerry s’est lancé un défi à l’occasion de son année de césure : faire halte chez plus de trente chefs disposant de leur propre potager. Objectif de son projet intitulé Gùn : valoriser ceux qui travaillent la terre et profiter de la puissance médiatique des cuisiniers pour promouvoir une alimentation saine et locale auprès du plus grand nombre. Un livre relatant son périple pourrait voir le jour.

Atabula – Lucas Delerry, depuis quand méditez-vous ce projet ?

Lucas Delerry – J’ai souhaité trouver un moyen de concilier mes études en agronomie et une passion pour la gastronomie que je cultive depuis longtemps. En novembre 2017, j’ai commencé à esquisser le projet et à rencontrer des gens dans le milieu. Les chefs François Pasteau et Chloé Charles, Françoise Ha Vinh (journaliste pour Air France Madame) ou encore le fondateur du site Culinaries Olivier Piechocki, m’ont notamment conseillé. Puis en juillet-août, j’ai lancé une campagne de financement participatif qui m’a permis de récolter 7 500 euros. Le reste est financé en fonds propres grâce à mon prêt étudiant.

Quel est l’objectif concret de ce voyage ?

Ecrire un livre sur les restaurateurs qui cultivent leur potager, de la ferme-auberge au triple étoilé. J’aimerais tirer profit de la célébrité de certains chefs pour mettre un coup de projecteur sur les jardiniers avec lesquels ils travaillent et le monde agricole en général. Ceux qui travaillent la terre sont des gens passionnés, qui mettent tout leur temps et leur argent – mais aussi beaucoup d’intellect – dans ce qu’ils font. Avec mon œil d’étudiant en agronomie et l’innocence de ma jeunesse, l’objectif est d’observer leur travail en immersion totale. Dans chaque restaurant, j’essaie de passer plusieurs jours avec le responsable du jardin puis si possible de rentrer en cuisine pour comprendre l’état d’esprit des brigades. J’essaie de saisir si elles sont vraiment de concert avec le jardin ou bien plus déconnectées. Mon voyage a débuté mi-octobre 2018 et se poursuit jusqu’à fin juin 2019.

Depuis que vous êtes en route, quelles constantes observez-vous ?

Les chefs-propriétaires me semblent plus engagés dans leur démarche que les salariés de groupes. Certains chefs ont un potager parce que c’est tendance, on le ressent très vite. Je dirais que 70% d’entre-eux ont une approche vraiment sincère. Ensuite, le fait de posséder un jardin influe vraiment sur le travail en cuisine. Beaucoup de chefs disent que ça les fait réfléchir et les pousse à faire preuve d’originalité. Le verbe « sublimer » revient énormément dans les conversations. Dans la plupart des établissements visités, le potager est accolé au restaurant. Dans ce cas, les clients portent beaucoup plus d’attention à ce qui leur est servi. De la présence du jardin découle un état d’esprit positif au sein des brigades dont les membres ressentent qu’ils ne sont pas de simples éxécutants. Cela leur donne envie de faire plus attention aux produits et consolide les liens humains. Souvent, les équipes se retrouvent et discutent autour de leur compost ou bien en faisant la cueillette. Le potager leur rappelle tout bêtement que la tomate provient d’une graine et aiguise leur curiosité.

La problématique du financement de telles installations revient-elle souvent ?

Effectivement, cela revient souvent sur la table. Certains chefs ont façonné de toutes pièces leur potager, fait des buttes et installé des serres bioclimatiques. Ça représente des milliers d’euros. Et puis il n’est pas toujours évident de trouver un jardinier, il faut payer les cotisations… D’un point de vue strictement économique, ce n’est pas toujours intéressant. Enfin, au-delà de l’aspect financier, il s’agit d’un investissement temporel et intellectuel énorme.

Sur le même sujet – Suivre le projet Gùn sur Instagram

Photographie – @gun.cuisine (Lucas Delerry et le chef Christophe Hay)

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