Alain Ducasse vient de vivre une grande leçon d’humilité. Le documentaire « La Quête d’Alain Ducasse », qui lui est entièrement dédié, a fait un flop complet dans les salles obscures françaises. Après une première semaine d’exploitation, la Quête n’a pas excité grand-monde : 608 entrées pour les 50 copies disponibles. À Paris, ce ne sont que 74 personnes qui se sont déplacées le premier jour pour visionner le documentaire. Au regard du battage médiatique et de l’omniprésence d’Alain Ducasse, cette fréquentation ridicule constitue un camouflet dur à avaler pour un homme qui entend toucher le grand public, que ce soit par la démocratisation de sa cuisine (Le Champeaux) ou par ses livres engagés (« Manger est un acte citoyen »).
Le cinéma n’aime pas le one-man show !
L’échec de la Quête s’explique facilement. D’abord par un mauvais choix dans la distribution du film. Diffusé dans les grandes salles – Pathé notamment, puisque Jérôme Seydoux était à la base du projet et présent lors de la présentation du projet au Plaza en septembre 2014 –, ce documentaire ne pouvait que très difficilement toucher le public de ces mastodontes cinématographiques. Miser sur les réseaux des cinémas indépendants, qui savent défendre leurs choix et faire vivre leur programmation sur plusieurs semaines, auraient été beaucoup plus judicieux. Mais cela aurait été tellement moins prestigieux… Ensuite, demeure la question principale : Alain Ducasse intéresse-t-il au-delà d’un cercle d’afficionados gastronomes ? La réponse est clairement non. Et, mauvais calcul, ces derniers ont déjà été invités aux différentes projections qui ont eu lieu en amont de la sortie en salle. Enfin, il semblerait que la figure du chef seul ne convainc pas les spectateurs de se déplacer. Le cinéma n’aime pas le one-man show ! Pour preuve, les échecs patents des films sur René Redzepi (295 entrées) en 2017 et, pire, les ridicules 14 entrées pour le film El Bulli en 2011*. En revanche, lorsque l’histoire est familiale (Entre les Bras, 1 355 entrées), le succès peut être au rendez-vous. Nul doute que la Quête d’Alain Ducasse connaitra une vie meilleure en DVD car il y a de fortes chances que les mêmes invités aux projections privées reçoivent dans les mois à venir le précieux disque. Mathématiquement, cela compte !
La sauce n’a donc pas pris. Aussi politique soit-il, aussi engagé soit-il, et même s’il est porteur d’un réel discours sur son époque, Alain Ducasse a raté son pari. Peu importe que le film ne corresponde pas à ce que les réalisateurs et scénaristes Gilles de Maistre et Eric Roux attendaient, la question n’est pas là. Un chef n’existe et ne peut exister qu’à travers sa cuisine. Et ses valeurs sous-jacentes : plaisir, gourmandise, partage, découverte et expérience. Le titre n’incarnait rien de tout cela. Au contraire, elle vantait la froide quête d’un homme. La quête de quoi ? Pas sûr que les 608 spectateurs aient saisi le message, et pas certain non plus que le premier intéressé le sache lui-même.
* Ces chiffres concernent le nombre d’entrées le premier jour d’exploitation du film en France selon les chiffres officiels du site Le Film Français. Sur la première semaine d’exploitation, les chiffres sont les suivants : « Entre les Bras » a réalisé 12 680 entrées (30 copies), « La Quête d’Alain Ducasse » a réalisé 5 063 entrées (50 copies).
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Franck Pinay-Rabaroust / ©EZ
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